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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Couleur de peau : miel
un film de Jung et Laurent Boileau
Belgique/France, 2012, 75 min
Grande-Bretagne, 2012, 1h41
Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse notamment aux enseignants de la fin du primaire et du premier degré de l’enseignement secondaire qui verront le film Couleur de peau : Miel avec leurs élèves, entre dix et quatorze ans environ. Les animations proposées ont pour objectifs d’amener les jeunes participants à réfléchir aux principales dimensions du film : le parcours de Jung, ses souvenirs, ses états intérieurs, les particularités du graphisme et de la bande son ou encore une approche historique du phénomène de l’abandon d’enfants en Corée.
Le dossier pourra également être utilisé dans le cadre de l’éducation permanente par les animateurs souhaitant aborder les thèmes du film, notamment en vue d’un dialogue intergénérationnel
Couleur de peau : Miel se fonde sur l’histoire réelle de Jung, âgé de six ans lorsqu’il est adopté par une famille belge en 1971, autrement dit durant la période de l’histoire coréenne qui a connu le plus grand nombre d’abandons d’enfants. Toute l’émotion qui se dégage du film tient entre autres à la dimension autobiographique de cette histoire, racontée du point de vue subjectif de l’adulte qu’il est aujourd’hui devenu. Ses souvenirs, liés pour la plupart à des réactions émotionnelles vives éprouvées durant son enfance ou son adolescence, facilitent l’empathie des jeunes spectateurs grâce aux liens d’identification presque naturels qu’ils peuvent établir avec lui en raison de leur âge. L’animation que nous proposons de réaliser ici consiste à amener les enfants à exprimer ce qu’ils ont perçu des émotions ressenties par Jung dans les principales scènes du film. Son objectif global — faciliter la connaissance des autres et l’acceptation des différences — se double d’un objectif secondaire, qui est de parvenir à une reconstitution de la chronologie du récit.
Au préalable, les enfants dresseront en grand groupe une liste des moments forts dont Jung se souvient. Le rôle de l’enseignant ou de l’animateur consistera ici à noter au fur et à mesure au tableau toutes leurs propositions. Il pourra se référer à l’inventaire des souvenirs présenté en encadré ci-contre pour compléter éventuellement la liste qu’ils auront établie.
Afin de disposer de l’ensemble des souvenirs dans un ordre chronologique, il pourra également noter chaque proposition des enfants en grands caractères sur une feuille de format A4 ; après l’exercice de remémoration, il suffira de rassembler les feuilles et de les disposer au tableau ou sur un mur de la classe en respectant le fil du récit. Les jeunes spectateurs prendront bien sûr une part active à cette organisation temporelle.
L’enseignant ou l’animateur leur expliquera ensuite que Jung, comme nous tous d’ailleurs, a retenu de son histoire les moments les plus marquants, autrement dit ceux qui sont associés dans sa mémoire à une réaction émotionnelle particulière.
L’animation se poursuivra donc par une approche des sentiments éprouvés par Jung dans chacune des circonstances relevées. Répartis en petits groupes, les jeunes spectateurs disposeront à cette fin d’une liste de trente sentiments parmi lesquels ils sélectionneront celui (ceux) qui leur semble(nt) le(s) plus pertinent(s) pour décrire les états d’âme de Jung tout au long du film. L’on précisera bien ici que l’objectif est moins d’exprimer ses propres sentiments personnels que d’utiliser ses capacités d’empathie en se mettant à la place de Jung, ceci dans une perspective générale d’ouverture aux autres et de compréhension des autres.
On pourra enfin leur proposer d’établir une sorte de « cartographie » des émotions qui ont marqué l’enfance et l’adolescence de Jung en utilisant la couleur.
Pratiquement, l’on pourrait ainsi attribuer aux grandes « familles » d’émotions une couleur conventionnelle. Par exemple, le bleu pourrait être associé à la peur et à ses différents degrés (appréhension, effroi, frayeur, terreur…), le rouge, à la famille de la colère, le jaune ou le rose aux moments de joie et de bonheur, ou encore le gris ou le noir à la famille de sentiments négatifs généralement peu expansifs comme la tristesse, le dépit, la honte… Les cases du tableau réservées à la notation des sentiments seraient dans ce cas coloriées en fonction de leur tonalité générale, et peut-être apparaîtrait-il alors des périodes plus précisément marquées soit par le bonheur, l’isolement, la délinquance, la révolte, l’autodestruction…
Un inventaire des situations marquantes
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Liste de sentiments | |||
Abandon | Énervement | Peur | Angoisse |
---|---|---|---|
Étonnement | Réconfort | Apaisement | Frayeur |
Rejet | Appréhension | Honte | Revanche |
Bonheur | Humiliation | Révolte | Colère |
Impatience | Solitude | Contrariété | Inquiétude |
Surprise | Déception | Jalousie | Terreur |
Dépit | Joie | Triomphe | Effroi |
Malaise | Tristesse |
Les souvenirs qui peuplent la mémoire de Jung ne sont pas tous des mauvais souvenirs. Si la plupart sont liés à des expériences douloureuses, certains en revanche témoignent de moments heureux, comme cet épisode de la construction du bonhomme de neige avec ses frères et soeurs par exemple. De manière générale, on peut dire que pendant les deux ou trois premières années passées en Belgique, Jung profite de tout ce dont il a été privé en Corée : des parents, des soeurs et un frère aimants ; de la nourriture en suffisance ; un logement confortable ; une scolarité et des loisirs variés, une grande quantité de jouets…
Ces années sont marquées par le bonheur, mais on remarque aussi, que durant cette période, il vit deux épisodes parmi les plus éprouvants. Dans ces deux circonstances rapportées dans le film, ce sont les propos tenus par ses proches qui se trouvent à l’origine d’une grande détresse affective et morale. En effet, les paroles blessantes de Bonne-Maman, qui « oublie » de le comptabiliser au nombre des enfants de la famille, ou encore celles de sa mère lorsqu’elle apprend qu’il a dérobé un carnet de tickets de repas abandonné sur un banc du vestiaire — elle le traite de pomme pourrie et l’exclut du cercle familial, lui montrant clairement qu’elle établit une vraie différence entre ses enfants biologiques et lui, « simple » adopté — heurtent profondément la sensibilité de Jung. Ces scènes sont d’ailleurs directement suivies par l’émergence de souvenirs plus lointains, datant de l’époque où il vivait toujours en Corée.
Ainsi la remarque de Bonne-Maman le projette en arrière, dans la période où il vivait seul dans la rue avant d’être recueilli par un policier et conduit à l’orphelinat ; quant aux propos de sa mère, ils suscitent chez lui l’impression de tomber dans le vide, comme l’indique alors la courte scène imaginaire qui le montre chuter et se transformer en pomme pourrie atterrissant dans un seau de pommes « saines ». L’image suivante transpose le seau dans une rue coréenne déserte avec, à proximité, un tout petit enfant apercevant une femme de dos, protégée par une ombrelle. Cette silhouette de femme dont on ne distingue pas les traits représente la manière très vague, mais aussi idéalisée, dont Jung imagine sa mère biologique ; cette image, qui traduit clairement le manque d’une maman, reviendra à plusieurs reprises dans le film, principalement dans des moments de solitude et de grande tristesse.
Cette scène traumatisante semble d’ailleurs ouvrir une période durant laquelle Jung va enchaîner les bêtises : il falsifie son bulletin, fend en deux les planches à pain ou tire au pistolet sur les poules et les canards ; il vole un billet dans le porte-monnaie de sa mère et, avec l’argent, achète un pétard qu’il fait éclater aux pieds du professeur de sport… Ces bêtises, qui pourraient finalement être celles de n’importe quel enfant arrivé à la fin de l’enseignement primaire, entraînent des sanctions sévères, qui vont du châtiment corporel à la tonte radicale de sa chevelure. La honte qu’il ressent alors le projette une fois encore dans le passé, au moment où il avait subi le même sort — mais dans une perspective d’hygiène cette fois — en arrivant à l’orphelinat. Cette période qui referme l’enfance est encore marquée par la découverte de la culture japonaise, qui lui permet d’entrer en contact avec ses origines asiatiques[1].
Cette passion, particulièrement mise en évidence dans le film par de nombreux détails, montre qu’il commence à se construire une identité en marge de la culture occidentale, ce qui témoigne d’un désir plus ou moins conscient de retrouver ses racines. C’est d’ailleurs au cours de cette période qu’il fait un cauchemar terrifiant montrant une femme, un homme et un nouveau-né empêtrés dans un enchevêtrement de racines tentaculaires, les images étant accompagnées de hurlements caverneux.
Enfin, l’adolescence est clairement pour Jung une période beaucoup plus sombre et tourmentée. Elle est principalement marquée par sa rencontre avec une jeune fille et un couple de Coréens, qui rend plus douloureuse encore la question de ses origines. Avant ces rencontres, sa conduite se caractérisait par un rejet en bloc de l’univers coréen à tel point qu’il lui était impossible d’entrer en contact avec un enfant ou un adolescent de la même origine que lui. On se souviendra que, dans la première partie du film, Jung vit très mal l’arrivée d’une petite soeur de même origine que lui. Son attitude se justifie sans doute par de la jalousie — Valérie risque de lui voler la vedette — mais certainement aussi par l’image que celle-ci lui renvoie de lui-même. Une telle aversion était probablement déjà pour lui une manière de se protéger d’un écartèlement difficile lié à sa double appartenance culturelle. Avec la rencontre de Kim et de la famille coréenne, il n’y a plus d’échappatoire possible et Jung est contraint de se confronter à une réalité qu’il avait jusque-là évacuée. En même temps qu’il se rapproche de l’univers coréen, Jung s’éloigne de sa famille d’adoption et de la culture occidentale qu’elle incarne. Replié sur lui-même, il n’arrive plus à entrer en communication avec ses père, mère, frère et soeurs et il profite d’une remarque de sa mère pour sortir de table, faire sa valise et quitter la maison, non sans s’être révolté en tentant de crier aussi fort qu’elle. C’est ainsi la première fois que nous le voyons entrer en conflit ouvert avec ses parents.
Le repli s’accompagne donc d’une révolte sourde qui l’amène à prendre ses distances avec eux. Il se réfugie chez l’abbé Paul mais ce n’est pas pour autant qu’il va se sentir mieux, bien au contraire. Il y adopte en effet une attitude autodestructrice qui le pousse à se nourrir de repas qui lui provoquent une perforation de l’estomac. Inconsciemment, il se fait donc du tort et peut-être est-ce là une manière de chercher à attirer l’attention de sa mère, qu’il a brutalement rejetée. C’est d’ailleurs ce qui se passe puisque, alertée par le prêtre, celle-ci le conduit elle-même à l’hôpital pour le ramener ensuite au domicile familial, lui avouant pour la première fois tout l’amour qu’elle éprouve pour lui. Enfin, comme le suggère Jung lui-même, cette grave crise est sans doute à rapprocher aussi de toutes les conduites suicidaires adoptées par les autres jeunes adultes d’origine coréenne que Jung, adulte, cite en voix off pendant la séquence du transfert à l’hôpital dans la voiture de sa mère adoptive.
1. Il faut évidemment souligner la part d’imaginaire dans cette recherche de ses origines puisque la Corée conserve un important contentieux avec le Japon, consécutif à la Seconde Guerre mondiale. Les Coréens ont aujourd’hui peu de sympathie pour les Japonais…